Et c’est parti !
Au programme : mes lectures, mes réflexions, et un fort besoin de sortir les mots de ma tête pour me forcer à leur donner du sens.
Également, une liste publique de ce que je fais (et ce qu’il me reste à faire), histoire de repousser le monstre de la procrastination / de ne pas oublier que l’essentiel, c’est la thèse & la recherche, pas la création de contenu de cours.
DONC : un livre de fiction toutes les deux semaines + 5 à 6 articles par semaine.
Objectif à ajuster bien sûr en fonction de ce qui est réalisable ou non. Aussi, important de rajouter une seconde lecture fiction/non fiction « plaisir », c’est-à-dire non en lien avec la thèse.
Cette semaine, j’ai fini The Japanese Lover de Rani Manicka, 5ème et dernière œuvre de mon corpus. A chaud : vais-je la supprimer (du corpus, of course) ? Probablement : c’est une quête de féminité et de sexualité, pas grand-chose à voir avec le trauma. Pas beaucoup de vide d’ailleurs. Les personnages ne me semblent pas très intéressants ; j’ai décroché quand Maya commence à avoir des visions prémonitoires sur le « terrorisme » du vingt-et-unième siècle. BREF. C’est pas mauvais (The Rice Mother était plutôt chouette, Rani Manicka a une jolie plume), mais je pense que ce deuxième ouvrage me passe au-dessus de la tête. Pour mes goûts personnels, bof bof. Pour la thèse : moyen moyen. D'ailleurs, j'y reviens mais première de couverture orientaliste à l'extrême (j'avais honte de le lire dans le tram...).
Du coup, je débute mon corpus annexe, de Singapour : Rachel Heng, The Great Reclamation. La première de couverture est superbe. J’en profite pour rajouter d’autres œuvres à lire : Shirley Geok-Lin Lim, Joss and Gold ; Preeta Samarasan, Evening is the Whole Day + Tale of the Dreamer’s Son. Aussi, un ouvrage japonais mentionné par Tash Aw dans un article : Inheritors, Asako Serizawa.
En lecture critique, j’ai commencé à lire les travaux de Philip Holden sur l’importance et la place de la littérature d’Asie du Sud-Est en anglais (Malaisie, Singapour, Philippines, Hong Kong).
J’ai beaucoup réfléchi à la place de l’anglais dans cette littérature : son importance, sa question d’authenticité, de représentation : écrire en anglais, c’est une forme de privilège. Privilège d’éducation et de représentation, marqueur d’une publication et d’un rayonnement international. Holden écrit : “[A] persistent objection to much recent internationally disseminated Indian writing in English is that it portrays only an elite experience, or experiences filtered through elite consciousnesses.”[1]
Les auteurs de mon corpus, de part leurs expériences et leur statut diasporique, font partie de cette conscience d’élite / élitiste (quelle traduction ?). Il me devient alors crucial de pluraliser les points de vue : changer de langue, changer de classe sociale, c’est changer de référentiel. Action, réaction : rajout d’œuvres malaisiennes écrites en malais et traduites. Représentation à plusieurs niveaux de l’échelle sociale. Plus on augmente les points de vue, moins on généralise, n’est-ce pas ?
Et puis l’autre question, celle de l’authenticité, celle du postcolonial (ou du décolonial), celle de ma propre intervention : Holden écrit « [A] persistent objection ». Objection, c’est bien là tout le problème. Est-ce que toute représentation postcoloniale en anglais est une objectivation ? Une vision orientaliste / exotique de l’autre ? Le passage même à l’anglais peut-il être authentique ? (Holden cite Graham Huggan et parle de “symbolic legitimation of 'multicultural' and/or exotically 'foreign' goods” within a shallow, unreflective multiculturalism” = postcoloniality). Quid de mon étude ?
Pour autant, ce n’est pas parce que ces auteurs ne vivent plus en Malaisie ou qu’ils écrivent en anglais qu’ils ne sont plus Malaisiens. Ils sont alors « forcément » authentiques (ou non ?). Holden finit son article en écrivant : “Both novels [Tan Twan Eng’s and Tash Aw’s], then, are transnational commodities that travel well beyond Malaysia's borders, and which meet with a variety of receptions there. Yet the fate of the global Malaysian novel, I would argue, does not make it less Malaysian, just as rubber, palm oil, and indeed now products of industrial capitalism such as Proton cars, have both transnational and local social contexts.”
On essaie donc de rester positifs et de viser une transversalité de points de vue. Des points de vue privilégiés, transnationaux, locaux, populaires.
[1] Toutes les citations de Philip Holden proviennent de « Global Malaysian Novels: Prospects and Possibilities », Kajian Malaysia, Vol. 30, Supp. 1 (2012), pp. 47–59.
